Unnamed Feelings, exposition personnelle, galerie 22,48 m2, Paris, 2017. Vues d’exposition : A. Mole

Motif scorpion en collaboration avec Olivier Kimyon

L’ensemble d’œuvres Pandinus Dictator porte sur les flux invisibles globalisés. Partant d’une news diffusée en boucle sur France Info, l’artiste s’intéresse à des scorpions menacés d’extinction, objets d’un trafic international.
Pandinus Dictator est construit autour la saisie aux douanes de Roissy de 119 scorpions de l’espèce protégée Pandinus Dictator, réputée toxique et très recherchée par les collectionneurs. En provenance du Cameroun, ces arachnides vivants étaient destinés à être vendus via une page Facebook aux États-Unis. L’artiste s’est rendue à la douane afin de les prendre en photo un à un. Elle leur attribue différents degrés d’aptitudes (Venin, Force, Résistance, Self-Control) à travers un diagramme de compétence gravé sur les verres des cadres. Ce diagramme les fait basculer de la classification entomologique vers un système qui leur confère une valeur d’échange. Le champ de la photographie s’élargit vers l’objet, notamment par la circulation et les déclinaisons du motif du scorpion. L’artiste convoque la répétition, l’analogie et la dispersion, évoquant autant les inventaires photographiques du début du XXe siècle de Karl Blossfeldt que les théories récentes sur la photographie conversationnelle d’André Gunthert. C’est l’univers des collectionneurs, amateurs et spécialistes de scorpions que Caroline Delieutraz explore dans une vidéo en forme de navigation Internet. Comme fil rouge de la vidéo, le making-of de ses prises de vue photographique montre une main anonyme placer les scorpions afin de les rendre photogéniques. Un geste qui renvoie à la fabrication et à la manipulation des images. Selon sa méthode de prédilection, l’artiste associe ce making-of à des échanges tirés de forums ainsi qu’à des images amateurs et publicitaires. Les images qu’elle produit sont ainsi réinjectées dans le flux. Elle les fait également circuler sur des smartphones retenus dans des filets à bagage, rappelant la prise des scorpions, la toile des arachnides ou la grille du viseur de l’appareil photo.
Entre répulsion et désir de posséder, cette capture symbolique à travers la photographie met en lumière les rapports de pouvoirs qui se tissent dans la circulation des images, et leur influence, quasi subliminale, sur nos aspirations.

Photographies des scorpions réalisées avec la collaboration du Studio des Plantes